Un coeur insoumis - Sarah Dunant - Le boudoir littéraire

23 janvier 2011

Un coeur insoumis - Sarah Dunant

Quatrième de couverture :

À Ferrare, au couvent de Santa Catarina, nombreuses sont les jeunes filles nobles mariées au Christ à défaut de dot. Tel est le sort de Serafina, seize ans à peine, enfermée de force par sa famille suite à sa liaison avec un simple chanteur.
Insoumise, Serafina se heurte bientôt à l'ordre établi par l'abbesse Chiara et à la piété exacerbée de soeur Umiliana, prête à affamer le corps des novices pour libérer leur esprit...
Isolée parmi les nonnes cloîtrées en proie à d'étranges extases mystiques, la jeune rebelle peut compter sur la bienveillance de Zuana, une nonne érudite, qui soigne tous les maux du couvent, y compris les blessures que les soeurs s'infligent à elles-mêmes.
Mais jusqu'où est-elle prête à l'aider ?

Tandis que les forces de la Contre-Réforme grondent au-dehors pour durcir les règles en vigueur dans les couvents, Serafina va tout tenter pour s'enfuir. Le début de guerres intestines qui vont bouleverser la vie des soeurs à jamais...

Mon avis :

Un coup de coeur pour ce début d'année 2011.
En soi, écrire un huis-clos est un exercice qui doit être assez compliqué. Mais ici, Sarah Dunant a parfaitement réussi puisque le temps passe vite lorsque l'on se plonge dans les pages de ce livre et dans la vie du couvent de Santa Caterina, à Ferrare. Et pour cause, on ressent nettement la grande recherche documentaire effectuée par Sarah Dunant pour être au plus près de la réalité, notamment concernant les émotions/sentiments. En effet, ce lieu et cette atmosphères confinés doivent être palpables pour le lecteur. Ici, c'est tout à fait réussi car on est en présence de personnages atypiques, qui permettent de réfléchir pleinement sur la vie de ces jeunes ou moins jeunes femmes, vouées à vivre avec un époux incorporel durant toute leur vie.
Pour cela Santa Caterina n'est pas le pire des couvents : il est spacieux avec un grand jardin et les règles de la Mère supérieure sont assez tolérantes tout en restant rigides pour des jeunes filles dans la fleur de l'âge. Le silence, la promiscuité, la solitude, le jeûne, les nombreuses prières, sont toutes les choses qui attendent Isabetta (future soeur Serafina) lorsqu'elle y est envoyée contre son gré par son père. Ce premier élément déclencheur est un témoignage de la vie d'une demoiselle au XVIe siècle : dans une famille, on mariait souvent une seule fille pour lui consacrer une bonne dot et lui permettre un bon mariage. Elle était élevée dans cette optique. Les autres filles sont élevées en vu d'entrer au couvent. Pour celles-ci, le roman nous fait comprendre que cette vie est assez douce puisque, dès leur plus jeune âge, avant même d'y entrer, elles fréquentaient le couvent jusqu'à ce qu'il soit pour elles une seconde maison. Mais voilà, Serafina a été élevé pour être mariée et se retrouve dans ce cloître, loin de l'être qu'elle aime. On suit les déboires de la jeune fille, entre miracles, complots, détresse. Le lecteur voit à travers les yeux de Zuana, cette religieuse de quarante ans, apothicaire, entrée au couvent à la mort de son père. Elle va se prendre d'amitié pour Serafina et va l'aider à s'adapter.

J'ai beaucoup apprécié l'écriture de l'auteur et sa capacité à rendre compte d'une atmosphère. Au niveau spacio-temporel, on ne sait pas réellement combien de jours/mois s'écoulent durant l'histoire : j'ai trouvé que cela décrivait bien ce que l'on doit ressentir dans un lieu isolé du reste du monde. Pas de réelle conscience du temps. Cette impression est présente aussi quand Zuana réfléchit sur les seize ans passés au couvent : au final, un rythme banal, pas ou trop peu de rebondissements.
L'atmosphère du livre aurait donc pu être vraiment angoissante, et pourtant, au fil du livre, on se rend compte qu'un couvent était une mini société où plus de choses s'y passaient qu'on l'aurait pensé.

Un très beau roman que je conseille aux amateurs d'histoire, de Renaissance et de dramatique aussi. Belle découverte.

Remerciements : Un immense merci aux éditions Belfond ainsi qu'à l'équipe de Babélio pour cette très belle découverte ! Je ne l'aurais sans doute pas lu sans ce partenariat et, à côté de quoi je serais passée !